Chapter 6: Nino Frank and the film weekly Pour Vous: the first talking films
Notes
1Pour Vous, no.1, 22.11.28, p.3.
2 Alexandre Arnoux, 'J'ai vu, enfin, à Londres un film parlant', Pour Vous, no.1, 22.11.28, p.3.
3 ibid.
4 C.A.Lejeune, quoted from Halliwell's Film and Video Guide, 2000 Edition.
5 Edmond Gréville, 'Toujours les films parlants...Comment on les tourne', Pour Vous, no.1, 22.11.28, p.4.
6 G. Clairière, 'Toujours les films parlants...Comment on les fabrique', Pour Vous, no.1, 22.11.28, p.4.
7 Nino Frank, 'Jacques Feyder va partir pour l'Amérique', Pour Vous, no.1, 22.11.28, p.7.
8 René Clair, 'Une enquête à Londres: l'avenir du film parlant', Pour Vous, no.28, 30.5.29, p.5.
9 For useful information on French cinema and its practitioners in the 1920s, see 1895, the Revue de l'histoire du cinéma published by AFRHC, the Association française de recherche sur l'histoire du cinéma, supported by CNC, the Centre national de la Cinématographie.
10 Nino Frank, 'Marie-Louise Iribe, auteur de films, nous dit...', Pour Vous, no.5, 20.12.28, p.4.
11 Nino Frank, 'Un réalisateur français: H. Fescourt et son dernier film: "Monte-Cristo" ', Pour Vous, no.11, 31.1.29, p.9.
12 Nino Frank, 'Entre deux prises de vues, J. Angélo nous dit...', Pour Vous, no.12, 7.2.29, p.7. The sarcastic reference to negative commentators is almost certainly directed at literary critics like Georges Duhamel, who continued to decry cinema well into the 1930s.
13 Nino Frank, 'Un Russe naturalisé français par sa carrière: Pierre Batcheff', Pour Vous, no.6, 27.12.28, p.9.
14 Unpublished letter from Blaise Cendrars to Nino Frank, summer 1929.
15L'Intransigeant, 14.2.31, p.6.
16 Nino Frank, Lettere a Solaria, a cura di Giuliano Manacorda (Rome: Editori Riuniti, 1979), letter to Alberto Carrocci, 24.2.31
Original quotations from which translations taken
(numbers match relevant endnotes)
1 Dans ce journal nos lecteurs ne trouveront pas une seule ligne de publicité notamment cinématographique, ni apparente ni, à plus forte raison, déguisée.
Nous voulons que POUR VOUS demeure indépendant. Nous voulons dire librement ce que nous pensons sur tout ce qui touche à l'écran, à ses auteurs, à ses artistes, à ses animateurs, à ses financiers, enfin sur tout ce qui peut servir l'intérêt français et aussi l'art et l'industrie du cinéma.
Libres de toute attache, de tout traité, de toute obligation quelle qu'elle soit, nous nous efforcerons de dire la vérité.
POUR VOUS
2 Une femme criant d'épouvante fonçant sur moi, et je ne vois plus qu'un gouffre noir horriblement contracté, tandis que le haut-parleur, toujours immobile, hurle à vingt pieds. Il me semble que, dentiste de cauchemar, je vais plonger dans la bouche grande ouverte d'une patiente qui a délégué une remplaçante pour pousser des clameurs à la cantonade.
3 J'aime le cinéma profondément. Ses jeux de noir et de blanc, son silence, ses rythmes enchaînés d'images, la relégation, par lui, de la parole, ce vieil esclavage humain, à l'arrière-plan, me paraissaient les promesses d'un art merveilleux. Voici qu'une sauvage invention vient tout détruire. Qu'on me pardonne quelque amertume, quelque injustice...
Nous ne pouvons rester indifférents. Nous assistons à une mort ou à une naissance, nul ne pourrait encore le discerner. Il se passe quelque chose de décisif dans le monde de l'écran et du son. Il faut ouvrir les yeux et les oreilles.
5 [le metteur en scène] et les deux opérateurs étaient enfermés dans une cage de verre, et du sein de cet aquarium, manipulaient des feux rouges et verts qui indiquaient aux acteurs à quel moment ils devaient commencer ou finir de jouer...les microphones employés doivent être très sensibles. Or, ils le sont tellement, que lorsque l'acteur déplace une chaise ou pose son verre sur la table, on entend un bruit de tonnerre. Il faut donc truquer, surveiller chaque geste, et il s'ensuit une infériorité terrible du jeu.
...un art tout nouveau pourrait se bâtir sur certains bruits synchronisés avec l'image telle que train, avion, etc...Je crois aussi fermement qu'il y aurait intérêt à adapter la parole aux actualités de la semaine, comme cela se fait en Amérique et en Angleterre, car alors cette parole a une valeur historique: discours politiques, voix de Lindberg: mais entendre Douglas Fairbanks dire "Vos yeux, mademoiselle, font pâlir les étoiles", non!
6 Il faudra peu de temps...pour qu'après avoir provoqué au cinéma une petite révolution, le film parlant y prenne tranquillement la place, sans doute assez limitée, qui lui convient.
7 Il est grand, svelte, souriant. Trente-cinq ans peut-être. Tout habillé de gris, élégant: des yeux bleus, un regard ferme. Tour à tour insinuant et brutal, et ne se privant pas de dénoncer les choses telles qu'elles sont. Comme il l'a toujours fait d'ailleurs.
Je vais tomber à Hollywood au milieu des expériences pour les films parlants et les films sonores. Je n'ai pas d'opinion là-dessus. Mais je serai bien forcé de m'y intéresser. Songez que les deux tiers des capitaux sont investis dans ces expériences. Je crois qu'il y a une tendance qui prévaudra, celle de séparer nettement les films parlants des films sonores, les premiers devant être seulement ceux d'un caractère populaire, destinés à la plus large vente...Enfin, on verra.
Persuadez-vous bien qu'il faut reviser tous nos jugements sur le monde cinématographique américain: ils ont acquis une liberté, dans les sujets (songez à A girl in every port), dans les détails, qu'ils n'avaient pas auparavant. Savez-vous que c'est en France qu'A girl in every port a été un peu "arrangé"? Moi, je suis contre toutes les coupures, délibérément.
8 Sur cette entreprise est jouée un si grand nombre de milliards que désormais tous moyens seront bons pour assurer sa réussite. Le film parlant existe et les sceptiques qui prétendent que son règne sera court ne vivront peut-être assez longtemps pour voir la fin de ce règne. Il n'est plus temps pour ceux qui aiment l'art des images de déplorer les effets de cette invasion barbare. Il s'agit plutôt de faire la part du feu.
...Les journaux consacrent presque chaque jour de longs articles aux talkies, critiquent, combattent, louent, signalent de nouvelles inventions, des projets inédits, des sociétés naissantes.
10 Moi, je suis contente d'Hara-Kiri. On l'a bien accueilli. Il y a bien entendu, beaucoup de coupures, énormément de coupures. Ils en veulent toujours davantage. Comment voulez-vous qu'un réalisateur se tire d'affaire, s'il veut concilier les exigences de sa conscience et celles des exploitants? Ils vous accordent tout, argent, autorisations, et cinq minutes après ils vous demandent de commercialiser davantage...Alors qu'est-ce que vous voulez qu'il en sorte? Je ne veux pas croire que le public soit si bête que ça: c'est matériellement impossible. "Pas de mort violente avant la fin, pas de longs baisers, pas de cigarettes, pas de tristesse..." que sais-je et ce n'est pas tout.
...Quant à cette interdiction idiote, que voulez-vous que je vous dise: je ne comprends pas pourquoi ce que l'Humanité et les orateurs ont le droit d'écrire ou de dire, ne puisse pas se voir sur l'écran.
11 Le cinéma est le mode d'expression le plus splendide de l'art moderne. Il y a aujourd'hui une question, d'une très grande importance, dont je me suis beaucoup intéressé, celle des films sonores et parlants. Eh bien, le film parlant, reproduction du spectacle théâtral, enregistrement et dialogue, je crois que ce sera quelque chose d'abominable. Mais j'ai foi dans le film sonore. Ce qu'il faut trouver, c'est l'utilisation de ces découvertes en vue de renforcer la puissance expressive du cinéma...Pensez si Léon Poirier avait eu à sa disposition, quand il tournait La Croisière Noire, le moyen d'enregistrer en même temps que les images le silence innombrable et les murmures de la forêt africaine!...Et les sonorités si différentes de ports tels qu'Amsterdam et Marseille! Il y a là des horizons illimités!
12 Du jour où j'ai commencé, j'entends parler de la crise du cinéma français. Depuis le temps qu'on le tue, ça dure toujours. Je crois que ça dépend d'un tas de gens qui découvrent tout à coup le cinéma et qui vous affirment gravement que ça ne va pas du tout. Depuis que le cinéma est inventé, nous avons obtenu des résultats formidables...Quant aux derniers perfectionnements, je suis pour le ciné sonore et contre le ciné parlant; après tout, le silence est aussi impressionnant que le bruit. Le ciné en couleurs aussi est une grande idée. D'ailleurs, l'important c'est que l'on fasse toujours du cinéma: rien de plus dissemblable que le cinéma et le théâtre. Vous pouvez m'en croire, puisque j'ai fait aussi dix ans de théâtre. Voyez-vous, le cinéma, c'est l'extériorisation des sentiments, tandis que le théâtre en est, comment dire, l'intériorisation. Ce sont les deux faces d'un seul métier.
13 [Sur le plateau] Voilà Morserf, mince, la figure contractée et amère, les yeux plus sombres et plus profonds que la nuit noire....Morserf fait demi-tour: sa figure s'est apaisée, mais ses yeux sont aussi noirs et romanesques qu'auparavant, et pour cause. Il est mince dans sa redingote marron, avec un visage étroit et long, des lèvres de Don Juan jeune, un rire qui s'éteint vite, une voix capricieuse, par à-coups...Musset à dix-huit ans. Et le regard volontaire et vague à la fois que devait avoir Byron. Il est vrai que nous ne sommes pas en 1820. Ni en 1860, d'ailleurs. Mais Pierre Batcheff est ainsi. Pierre Batcheff, c'est Morserf.
14 Il vaut peut-être mieux pour vous de ne pas figurer dans l'équipe directrice - et en vous faisant une vacherie, on vous rend probablement service –
...Pourquoi, par exemple, ne pas employer le caractère d'imprimerie inventé et dénommé par Cassandre 'Bifur' pour le titre d'une revue qui s'appelle 'Bifur'??? Est-ce par ignorance? alors la cause moderne de Bifur est jugée!
15 M. Alexandre Arnoux, l'écrivain si estimé et qui jouit d'une si haute autorité dans le monde du cinéma, nous donnera chaque semaine, en pleine indépendance, une critique des principaux films. Nous avons confié le secrétariat général de la rubrique cinématographique de L'Intransigeant à notre collaborateur Nino Frank.
16 ...per prender la direzione della pagina cinematografica dell'Intransigeant, mutamento fatto unicamente per ragioni di denaro. Bifur è morta, la Revue de Genève anche, le riviste mei amiche - un paio - son lí da nascere o da rinascere.