Chapter 5: Nino Frank and the modernist journal Bifur
Notes
1See for example: Maurice Nadeau, Histoire du Surréalisme (Paris: Eds du Seuil, 1945); André Breton, Œuvres complètes (Paris: Gallimard, 1988-2008); Georges Ribemont-Dessaignes, Déjà jadis (Paris: Lettres nouvelles, 1958).
2Nino Frank, Le Bruit parmi le vent (Paris: Calmann-Lévy, 1968), pp.162-167.
3Nino Frank, Valéry Larbaud-Nino Frank, Correspondance inédite (1926-1936) (Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise-Pascal, 2011), Letter 18, 12.5.29, p.52.
4Jacqueline Leiner, Préface, Facsimile edition of Bifur (Paris: Jean-Michel Place, 1976), pp.vii, xiv.
5Both Benn and Williams were viewed with suspicion later in their own countries, because their connections to Bifur were thought to suggest Communist sympathies.
6Les Nouvelles littéraires, 1.6.29 and 8.6.29, both on p.4.
7In this respect Bifur was more similar to the successful German journal Querschnitt than to "900".
8Blaise Cendrars, 'Pompon', Bifur, no.1, May 1929, pp.16-22.
9Nino Frank, 'Scrittori svizzeri: Blaise Cendrars', Il Mondo, 12.5.25, p.3.
10Nino Frank, Le Bruit parmi le vent, p.166.
11In fact, any reader who had also read the first issue of Jacques-Henry Lévesque's new literary journal Orbes, in 1928, would have had an advantage, since it carried - also under the title 'Pompon' - the first section of the novella, describing the earlier misfortunes of the young girl, and more of the author's experiences while filming in Rome. See Orbes, Spring 1928, pp.2-28.
12Blaise Cendrars, 'Pompon', pp.16-17.
13ibid., p.18.
14ibid., p.21.
15ibid., p.22.
16Blaise Cendrars, Une Nuit dans la forêt (Paris: Eds. Denoël, 1964), p.38.
17There are many French writings on Cendrars which deal extensively with this topic. See especially the two series edited by Claude Leroy, Tout autour d'aujourd'hui (Paris: Denoël, 2001) and Blaise Cendrars: Œuvres autobiographiques complètes (Paris: Gallimard, 2013).
18Jean Toomer, 'Lettre d'Amérique', translated by Victor Llona, Bifur, no.1, May 1929, pp.105-119.
19ibid., p.106.
20ibid., pp.108-9.
21ibid., p.111.
22ibid., p.109.
23MPPDA Archive, 'Certain Factors and Conditions Affecting the European Market', 20.11.28, quoted in: Ruth Vasey, The World According to Hollywood, 1918-1939 (Exeter: University of Exeter Press, 1997), pp.43-44.
24William Carlos Williams, 'L'illégalité aux Etats-Unis', translated by Georgette Camille, Bifur, no.2, July 1929, pp.95-103.
25Bifur, no.1, May 1929, p.142.
26ibid, p.191.
27Jean Guérin, 'Bifur', Nouvelle Revue Française, Tome 33, July 1929, pp.146-7.
28Les Nouvelles littéraires, 8.6.29, p.7, and 3.8.29, p.6.
29'Justification', "900", no.1, pp.8, 9. (See Chapter 2 for greater detail)
30Massimo Bontempelli, 'Voyage sur l'arc-en-ciel', Bifur, no.3, September 1929, p.185. Arnauld Daniel was one of the characters in Dante's Divina Commedia, Canto XXVI, who was in Purgatory for lust, and was purified by fire.
31ibid., pp.187-8.
32ibid., p.184.
33Pierre Mac Orlan, 'La Faim', Bifur, no.2, July 1929, p.112.
34ibid., p.113.
35ibid., p.113. Mac Orlan's idea of the "fantastique social" was the transposition on to the twentieth century urban environment of "fantastic" night-time horrors in the rural scenes of nineteenth century fiction. He saw the harsh electric lighting in narrow slum streets as creating terrifying light effects in ways analogous to the moon in pitch-black landscapes.
36Robert Desnos, 'Les mercenaires de l'opinion', Bifur, no.2, July 1929, pp.160-1.
37ibid., p.162.
38ibid., pp.162-3.
39Georges Ribemont-Dessaignes, Déjà jadis (Paris: Lettres nouvelles, 1958), p.146.
40Catherine Lawton-Lévy, Du colportage à l'édition (Geneva: Métropolis, 2004).
41Nino Frank, Le bruit parmi le vent, p.192.
Original quotations from which translations taken
(numbers match relevant endnotes)
2un commanditaire, un amateur riche, que les lauriers de Commerce affriolaient (p.162)
avait un compte à régler avec le surréalisme orthodoxe, plus exactement avec Breton (p.167)
apprenti expulsé de son atelier natal, je ne songeais qu'à prendre ma revanche, au grand banquet littéraire de la France de mes rêves (p.164)
3Ce qui me passionne, c'est de pouvoir, pour la première fois, traiter la littérature comme elle doit l'être: comme quelque chose de grand, de très humain, d'absolument mondial.
4Sans relâche, ses collaborateurs s'interrogent: qu'est l'homme? que peut un homme? Ils cherchent une réponse, à travers l'histoire, la poésie, la politique, la sociologie, la littérature, la musique, le film, la peinture, le folklore, la philosophie, le sport, les faits divers....Grâce au courage et à l'audace de Jean-Michel Place, ces merveilleux bateleurs des années 1930, ces étonnants prestidigitateurs de la vie nous sont enfin rendus.
9semplice, senza ornamenti, sempre come "documento". Il meraviglioso nasce da ogni pagina, per la magica alchimia dell'oro: Cendrars ha saputo - con eloquio esatto, con laconismo - cantare alla perfezione quest'epopea del Dio nuovo. A tratti, sotto le sue parole, si sente palpitar quel misticismo che ha fatto la grandezza dell'America, che dà un'anima nuova all'universo d'oggi: è un libro tremendo.
10au plus fort, en ce temps-là, de ma passion pour Blaise Cendrars, en qui je voyais le poète proprement dit du monde entier.
12Il n'y a aucune raison pour que l'on ne débrouille pas dès aujourd'hui à l'écran l'écheveau complexe d'un caractère humain comme on tourne au ralenti la germination, la croissance, l'épanouissement, la floraison et la mort des plantes... Le rôle du cinéma dans l'avenir sera de nous redécouvrir des hommes, nous-mêmes, de nous redémontrer, de nous remontrer à nous-mêmes, de nous nous refaire voir, de nous nous faire accepter à nous-mêmes, sans rancœur et sans dégoût, tels que nous sommes.
13Tout est mystère et cul-cul-rhododendron aujourd'hui, les phonos, la science, les télescopes qui canonnent les tours d'ivoire, les danses nègres, M. Henry Ford, le métro, l'avion, les assurances sur la vie, les rentes viagères, l'anglais en 24 leçons, les déplacements, les villégiatures, tout ce qui est journellement à vendre dans les journaux, les livres qui paraissent, les crimes politiques, les assassinats, les découvertes, les explorations, les inventions, le cubisme, l'art toltèque, la Genèse babylonienne, l'histoire inédite de l'Atlantide.
14j'aurais bien su le mettre rapidement au jour, l'extérioriser, le désespoir de Pompon. À elle cela aurait fait du bien comme si on l'eût débarrassée d'un kyste; elle aurait pu se remettre à vivre, à jouir de la vie.
15Pompon était défigurée. Un éclat de verre lui avait fendu perpendiculairement le front, le nez, les lèvres, le menton. Elle avait le facies d'un bouledogue.
16Fling-flash! avec des décharges de magnésium dans les yeux, je les déshabillais instantanément. Or, si les femmes sont toujours prêtes à se laisser déshabiller, quelle est celle qui consentirait à tourner moralement nue? Toutes ces femmes posaient.
Toutes avaient mis leur plus belle robe pour venir me voir...mais je n'enregistrais pas ces charmes, ces séductions, ces attifages, ces afféteries: comme l'objectif, j'allais surprendre leur personnalité.
19Herbert Hoover est un symbole. Il est le symbole des Affaires, de l' "Efficiency", de la Prohibition, du Protestantisme. Il représente le type pratique, compétent, dénué de sensibilité et d'imagination. Il nous confirme que nous sommes définitivement sortis de la phase d'idéalisme social, que, à la lettre, nous sommes prêts à nous mettre à la besogne. Nous n'avons plus à nous laisser troubler par des rêves, des sentiments, des aspirations - sympathiques, mais sans avantage matériel. Il nous promet la continuation de la Prospérité....Chez Alfred Smith le vieil idéalisme, l'ancien procédé de sollicitation aux émotions, s'attardait encore. Il nous parlait, pour ainsi dire, d'une société plus belle et meilleure...Nous ne voulions pas de lui. Il retardait sur l'époque.
20bref, toutes les professions libérales et toutes les formes de culture, en arrivent à n'être que des ramifications des Grandes Affaires.
21Voici notre vice: nous n'avons aucun attachement pour les choses que nous édifions. Nous les édifions. Nous les abattons. Nous achetons et nous vendons. Nous n'avons pas tendance à priser les choses...Nous jetons de plus en plus à la poubelle. Bientôt nous n'aurons d'attachement pour rien. Nous respectons de moins en moins. Bientôt nous ne respecterons plus rien.
22Il semble aussi que la plupart d'entre nous désirent une nouvelle guerre. En tout cas, nous ne sommes pas disposés à risquer de perdre cinq dollars pour contribuer à empêcher une nouvelle guerre. Nous savons parfaitement que nous produisons trop. Nous savons aussi que la surproduction, accompagnée de la surcapitalisation, amène fatalement à chercher des marchés à l'étranger; et que la concurrence autour de ces marchés amène les nations à se faire la guerre. Mais la surproduction fait, semble-t-il, partie intégrante de notre Prospérité. A n'importe quel prix, il nous faut la Prospérité.
24Nous sommes tous sous la puissance d'une mystérieuse force qui nous trahit: docteurs, avocats, pasteurs, hommes d'affaires, agriculteurs ou qui que nous soyons. On nous tient tous pour suspects, jusqu'à ce que nous puissions prouver le contraire. Le gouvernement, avant tout, nous considère comme des malfaiteurs, se sert de ses agents pour nous espionner.
25Cinq condamnés à mort, actuellement détenus à la prison de Sing-Sing, ont été avisés que leur exécution était retardée jusqu'après les fêtes de Noël. Cette mesure a été prise en considération de ce que ces condamnés font partie de la chorale de la prison et qu'on a besoin de leur concours pour la réalisation du programme des fêtes de Noël.
26l'anarchie au sein de la révolution, voilà ce qu'il exige. En attendant, ses livres cherchent le point faible du monde pour y creuser les chemins de la folie, de la poésie et de la mort.
27un souci trop marqué de "faire riche", un manque de rigueur dans le choix des collaborateurs...Mais la revue, avec ses photos, ses chroniques et ses poèmes, existe. Elle est vivante; elle contient quelques pages parfaites, et l'on peut compter sur Ribemont-Dessaignes, qui la rédige, pour lui donner avant longtemps la raison d'être et le sens qui lui manquent encore.
29Le monde imaginaire viendra sans cesse féconder et enrichir le monde réel. C'est de l'aventure qu'on a soif; de la vie, même la plus quotidienne et la plus banale, vue comme une aventure miraculeuse, comme un risque perpétuel.
30je voyais à gauche, par delà le jaune, bouillonner les flots de l'orange et du rouge; à droite, par delà le bleu, se poursuivre des vapeurs et des voiles indigo et violets...En obliquant ainsi vers la gauche, soudain je me trouvai enveloppé de nuées couleur orange qui me brouillèrent la vue comme si j'étais ivre. Quand mon pied se posa dans le rouge, il me sembla entrer parmi des flammes, ainsi qu'il advint au poète Dante après avoir salué Arnauld Daniel; mais ces flammes ne brûlaient point, au contraire elles m'enveloppaient comme d'une tendre caresse.
31Et ce terrain dur commença de se ramollir sous mes pieds; en peu de temps il avait cessé d'être mou, il cédait et devenait peu sûr. Je m'arrêtai en proie à l'épouvante.
Je me jetai à quatre pattes, mais les mains elles-mêmes ne trouvaient plus de prise. Je rampai vers la gauche, puis vers la droite; le jaune aussi, le bleu de même allaient se défaisant, attaqués peut-être par cette végétation. Je levai les yeux vers le ciel que désormais je n'espérais plus atteindre. Mais toute la partie supérieure de l'arc-en-ciel se dissolvait, s'effilochait en traînes absorbées aussitôt par la pâleur de l'air. Mon cœur se glaça de désespoir...
...je vis Lucienne. Je vis qu'elle avait de son écharpe fait une espèce de corde et qu'elle s'efforçait avec celle-ci de lier le bas de l'arc-en-ciel au tronc de l'olivier. Tout le restant de l'arc se dégradait et fondait aux rayons du soleil, mais à partir de ce point-là, du point où elle l'avait lié, une bande mince, pas plus grosse qu'une grosse corde, restait solide, arrivait ainsi jusqu'à moi, à mes mains qui l'étrignaient, et par delà continuait en haut vers le ciel où pour un moment encore elle demeurait invisiblement fixée.
32 – Je veux y monter, j'irai jusqu'en haut – déclarai-je.
– Oui, oui, – répondit Lucienne avec gaîté – allons là-haut.
– Non, pas toi – lui dis-je en la réprimandant du regard. – Une femme ne peut monter sur un arc-en-ciel.
Ses yeux me regardèrent et se remplirent de larmes. Dans ses larmes se reflétaient les sept couleurs. Mais je n'en fus pas ébranlé.
33Pour un homme qui a faim, on pourrait bien dire qu'il n'y a pas d'autres hommes...L'homme qui a faim ne recherche pas la fréquentation de ceux qui ont, comme lui, un besoin indescriptible de manger. Il va devant lui, à droite, à gauche, il titube comme un ivrogne, fuit la beauté des femmes, s'agenouille devant les bêtes sombres du désespoir.
34Ceux qui n'ont pu connaître la faim au cours de leur jeunesse viennent rôder dans les tristes carrefours de l'ombre pour s'y mêler, tout au moins, à ceux qui ont faim, afin d'essayer de les voler et d'attraper quelques accidents de leur maladie éblouissante.
35Le fantastique social d'une époque permet la confrontation d'anciennes faims avec toutes les lumières artificielles qui donnent à une cité la véritable clef des songes de cette cité.
36En nous rapportant au Larousse nous apprenons que Girardin, du jour où il conçut et exécuta l'idée du journal hebdomadaire à bas prix dont les frais étaient en partie compensés par la "Réclame", fonda le journalisme moderne...Un journal, au surplus, s'écrit-il avec de l'encre? Peut-être, mais il s'écrit surtout avec du pétrole, de la margarine, du ripolin, du charbon, du coton, du caoutchouc, voire ce que vous pensez...quand il ne s'écrit pas avec du sang!
37le journaliste doit signer, sous peine d'être entravé dans la carrière (et quelle carrière!) des papiers idiots, absurdes et parfois immondes, que la plupart du temps il n'a pas écrit tels, mais qui le sont devenus par le pouvoir des ciseaux d'un secrétaire de rédaction obligé lui-même d'obéir à un directeur soumis lui-même à des commanditaires ou un agent de publicité.
38le journaliste au service d'un journal est censé épouser ses intérêts. Imaginez alors le moyen de coordonner étroitement les efforts d'un journaliste royaliste et d'un journaliste socialiste! Le syndicat des journalistes a réalisé d'énormes progrès au point de vue de la situation matérielle de ses adhérents, son utilité est incontestable, son absence serait néfaste. Mais sur le plan moral le syndicat est entravé.
39Bifur coûtait trop cher à Pierre Lévy pour qu'il pût poursuivre longtemps son effort. Il avait imprimé à sa revue un caractère trop luxueux qui la rendait trop onéreuse pour le public auquel elle s'adressait, un public de gauche peu fortuné.
40Comme s'il était dans l'ordre des choses qu'il lui revienne à lui, le Suisse, fils de colporteur juif, d'ouvrir la voie à ces fils de famille français en rupture de ban qui, parce qu'il se montrait souriant et généreux, le prenaient pour un imbécile ou, parce qu'il s'habillait à Londres, le traitaient de nouveau riche...C'était un peu le Marchand de Venise à Paris, un relent de l'antique Judenkrawalle alsacienne qu'avaient connue ses arrière-grands- parents.
41j'allais me noyer dans une espèce d'antilittérature qui m'occupera près de trois décennies, ne me laissant, pour l'écriture et ses fidèles, qu'un amour-haine constant.